mardi 2 juin 2015

Digitalis à la maison du docteur Gachet


Digitalis est une installation interactive, plastique et sonore qui invite à la flânerie. Le chant des Digitales résonne délicatement dans le jardin du Docteur Gachet. Des bruissements de pétales, des éclosions de graines numériques, la dissémination des pollens sonores composent une atmosphère propice à la méditation.

Uniquement composé avec des bouteilles plastiques, des préformes et des déchets de l’industrie pétrochimique, ce doux murmure emporte le spectateur dans une autre dimension. Soufflé, percuté, caressé le plastique révèle des sonorités inattendues que la musique explore dans des paysages sonores sans cesse renouvelés.

Pierre Estève a travaillé in situ à la création de cette partition, spatialisée dans les différents espaces du jardin. La composition joue avec l’acoustique du lieu, si bien que rapidement, on ne sait plus ce qui procède de la composition musicale, des sons du jardin et de ceux générés par les visiteurs jouant un contrepoint en écho avec le chant des oiseaux et les bruissements des feuilles dans le vent.

Chaque son résonne comme une respiration, une invitation à se connecter à la nature et à porter attention à l’esprit du lieu.
Digitalis est une oeuvre poétique qui nous questionne sur les changements de civilisation que nous vivons, ainsi que leur accélération exponentielle : environnement, nouvelles technologies, biotechnologies et leur impact sur le vivant, utilisation des réseaux, intelligence collective. A ces questions Digitalis propose des pistes de réponses : recyclage et développement durable, autonomie et initiatives individuelles, vivre ensemble et travail collaboratif. Sans oublier la nécessaire réappropriation des technologies par chacun d’entre nous dans la perspective de rester acteur de sa vie, et non simple consommateur.

Les fleurs communiquent entre elles chimiquement mais aussi à l’aide de cliquetis inaudibles à l’oreille humaine. Pierre Estève les donne à voir et à entendre dans le jardin.























Digitalis à la maison du docteur Gachet
du 16 mai au 6 septembre 2015


mardi 16 décembre 2014

Crève

Crève

Nul doute que nos espaces intimes de liberté aient toujours été la cible privilégiée de l’avidité hégémonique et compulsive des marchands de tout poil. Leurs propagandes suivent toutes à peu près la même logique implacable d’appropriation : associer leur produit à une action, un sentiment ou une idée qui nous sont chers dans le but « ultime » de nous faire croire que le vide ainsi crée sera comblé par le passage en caisse.

lundi 3 novembre 2014

Le Maître du temps



Le Maître du temps



Le Maître du temps dit quand. Quand attendre avant de commencer. Quand commencer. Quand faire. Quand attendre qu’il fasse. Quand refaire ce qu’il a défait. Quand défaire ce qu’il a refait. Quand attendre pour récolter, gravé sur les secteurs métallisés, le fruit précieux de notre travail.
Son rythme n’était pas le nôtre, mais peu à peu, il nous a happés dans ses cycles. Dans notre tragi-comique quête de gain – gain de temps, gain d’argent, gain de pouvoir – nous l’avons sacré Dieu. Un dieu, jaloux, exclusif et aimant, comme il sied à tout dieu qui se respecte.



Le Maître du temps aime l’ordre. Non pas l’ordre des choses, mais l’ordre dans lequel faire les choses : l’une après l’autre. Il a découpé la vie en une interminable suite séquentielle de tâches basiques qui, comme nous, attendent leur heure. Les créatures inférieures marchent en chantant, regardent, écoutent, sentent, goûtent, touchent et font mille choses en même temps. Mais pas le Maître. Lui, Il joue une séquence Midi, puis calcule un filtre, puis recalcule mille autre choses extraordinaire, mais toujours l’une après l’autre. Béats d’admiration, nous Le regardons à l’œuvre.


vendredi 12 septembre 2014

L'e-mail aux Ephésiens

L'e-mail aux Ephésiens




Ephèse. Dans l'actuelle Turquie. Fief légendaire des Amazones. Trésorerie générale de l'Asie. Première des douze cités de la confédération ionienne. Ephèse grecque, patrie d'Artemis, drainant à elle foule de pèlerins et philosophes. Ephèse romaine, cosmopolite où, en 53, l'apôtre Paul s'installa pour prêcher et fonder l'une des sept églises de l'Apocalypse. Ephèse destinataire de l'épître (ou lettre) du même saint Paul aux Ephésiens. Celle qui pendant près de quinze siècles fut source d'orgueil et de convoitise n'est aujourd'hui plus que ruines. De la cité haute, je contemple ses vestiges de marbre blanc scintillant sous le soleil d'avril.
Franchement débarqué de Paris, j'ai encore le bourdonnement des voitures et le souffle des ventilateurs d'ordinateurs dans la tête. Mais le vent printanier les entraîne irrésistiblement au loin, dans des bouffées de senteurs de fleurs, laissant sourdre du sol le chuchotement des pierres et des esprits anciens. Ephèse, comme tous les vestiges antiques, s'empare de l'âme du voyageur, le plongeant dans un rêve éveillé pour lui dire la grandeur et la vanité des choses et des êtres.

mardi 22 juillet 2014

Le rythme universel

Le rythme universel



Mon cœur bat. Une pulsation primordiale venue du fond des âges émerge crescendo de l'océan de mes pensées. Sa vibration s'enfle et emplit peu à peu l’espace de ma conscience jusqu'à entrer en résonance avec tout mon être. On dirait le son du Daiko qui scande un ostinato à un temps. Ou une valse à trois temps. Je ne sais plus.
A trop écouter, j'ai oublié de respirer. Le tempo s'accélère imperceptiblement, par manque d'oxygène. Le rythme change. D'autant que je commence à entendre en superposition le contrepoint du sang qui bat dans mes tempes ainsi que mille échos de la vie qui circule dans mon corps. Une bouffée d'air. Respiration abdominale. Le solo devient duo. La riche polyrythmie de cette composition spontanée et organique s'enrichit maintenant de la modulation cyclique de l'air pulsé par mes poumons.
En m'obligeant à respirer régulièrement, j'ai déplacé ma concentration sur ma respiration que j'entends au premier plan, sur fond de Daiko. J'inspire et la vie s'engouffre en moi. Au sommet de l'inspiration, je contemple l'infini, et le cycle recommence. Le duo est devenue symphonie. Des milliards de milliards d'interprètes en jouent avec moi la partition, subtilement modulée par l'alternance du jour et de la nuit, par les saisons, la danse de la lune et du soleil, l'orbite des planètes, le chant des étoiles, le fracas des galaxies. Une clameur sans début ni fin. Le cycle ultime de tous les cycles. Souple. Inextinguible. Le rythme universel.

mardi 17 juin 2014

Souffle

Souffle



En sortant du concert de chant diphonique(1) « khöömii » du chanteur mongol Bayarbaatar Davaasuren, je sentais bien que je n'étais plus le même. Tout en marchant sous la voûte étoilée, un sentiment de plénitude m'envahissait ; cette jubilation que l'on éprouve enfant au contact des choses simples et essentielles : l'odeur de l'herbe mouillée, le chant des insectes nocturnes, le frisson né de la caresse du vent sur la peau. La joie dans la perfection d'être. Ici et maintenant. Je l'avais pourtant lu sur le programme, mais je n'y avais pas pris garde, pensant alors qu'il ne s'agissait que de mots : « Pour les Mongols, le khöömii est un chant sacré servant à rendre hommage à la splendeur qui les entoure. » Maintenant je comprends.
Dès que la première note, sortie de sa bouche, a rempli l'espace de la salle, le public, sous le charme, s'est envolé pour un voyage d'une heure et demie sans escale. Un petit Mongol sans âge, tout juste débarquée de sa steppe natale, seul sur scène, s'accompagnant simplement d'une vieille à deux cordes, connaissait le chant de la terre. Et nous, occidentaux nantis et technologiques, nous recevions bouche bée cette résonance universelle. Comme la ville asphyxiée sous un soleil de plomb attend la mousson, nous espérions, sans le savoir, ces gouttes sonores bienfaisantes.

Sevran 2014