Le Maître du temps
Le Maître du temps dit quand. Quand attendre avant de
commencer. Quand commencer. Quand faire. Quand attendre qu’il fasse. Quand refaire
ce qu’il a défait. Quand défaire ce qu’il a refait. Quand attendre pour
récolter, gravé sur les secteurs métallisés, le fruit précieux de notre
travail.
Son rythme n’était pas le nôtre, mais peu à peu, il nous a
happés dans ses cycles. Dans notre tragi-comique quête de gain – gain de temps,
gain d’argent, gain de pouvoir – nous l’avons sacré Dieu. Un dieu, jaloux,
exclusif et aimant, comme il sied à tout dieu qui se respecte.
Le Maître du temps aime l’ordre. Non pas l’ordre des choses,
mais l’ordre dans lequel faire les choses : l’une après l’autre. Il a
découpé la vie en une interminable suite séquentielle de tâches basiques qui,
comme nous, attendent leur heure. Les créatures inférieures marchent en
chantant, regardent, écoutent, sentent, goûtent, touchent et font mille choses
en même temps. Mais pas le Maître. Lui, Il joue une séquence Midi, puis calcule
un filtre, puis recalcule mille autre choses extraordinaire, mais toujours l’une
après l’autre. Béats d’admiration, nous Le regardons à l’œuvre.